OrcaDepred

Un projet scientifique

Le projet OrcaDepred consiste à mesurer les conséquences écologiques et socio-économiques de la déprédation exercée par les cétacés sur les pêcheries à la palangre et de proposer aux armements de pêche des solutions technologiques à la déprédation, tout en protégeant les mammifères marins qui sont durement impactés par la pêche illégale.

Une coopération exemplaire

Le projet porte sur les pêcheries palangrières opérées depuis l’Ile de La Réunion ciblant la légine australe autour des iles Crozet et Kerguelen.

Ces pêcheries sont très fortement affectées par la déprédation, avec une perte estimée à 65 M€ sur la période 2003 à 2013.

Les scientifiques et les pêcheries se sont associés pour mieux comprendre le comportement des cétacés, afin d’ oeuvrer ensemble à leur conservation tout en garantissant les rendements et la durabilité de l’activité de pêche.

Visualisation des données

Toutes les photos sont enregistrées dans une base de données qui, une fois analysée, permet de visualiser la présence des cétacés autour de Crozet et Kerguelen au fil du temps, et ainsi de mesurer la taille des populations et leur taux de survie dans cette zone.
A droite : Visualisation des individus photographiés entre 1974 et 2016 © Nicolas Gasco

Balises Argos

Des balises Argos permettent de suivre le déplacement et le comportement de plongée des orques et des cachalots en présence et en absence des bateaux de pêche. Ces balises sont déployées depuis les palangriers. Sur la figure, à droite, on voit les positions des lignes (les traits noirs) sur lesquelles on a superposé la position Argos des orques. A gauche, pour ce même individu, la profondeur de plongée est représentée par des points noirs. Une ligne apparait en rouge quand l’orque est à proximité de la ligne. Ce dispositif nous a permis d’analyser le comportement alimentaire des orques en présence et en absence de lignes.
 Sur l’image de gauche :  Grâce aux balises Argos nous pouvons connaitre les déplacements et la profondeur des plongées des orques © Gaëtan Richard

Reportage

Comment fixer des appareils électroniques sur les cétacés? Les scientifiques doivent aussi savoir manier l’arbalète!
A droite : une vidéo réalisée par Anaïs Janc et Gaëtan Richard
 dans le cadre du projet. © OrcaDepred

Biopsies

Outre le travail de photo-identification et le déploiement de balises Argos, dispositifs essentiels pour les suivis des populations d’orques et de cachalots, les bateaux de pêche sont supports à d’autres ativités de recherche. En effet, depuis les bateaux nous pouvons réaliser des biopsies de la peau et du lard sous-cutané des cétacés, permettant l’étude génétique de leurs populations, mais aussi de leurs niveaux de contamination, ainsi que de leur régime alimentaire (isotopes stables/acides gras).
A gauche : Comment prélever un morceau de peau des orques? Cette vidéo réalisée par Anaïs Janc et Gaëtan Richard nous donne un aperçu de la méthode. Vidéo © OrcaDepred

Une palangre expérimentale

Dans le cadre du projet Orcadepred, des palangres expérimentales ont été conçues et déployées. Sur ces lignes un certain nombre d’hameçons ont été équipés d’accéléromètres afin de détecter à quel moment le poisson mord à l’hameçon, combien de temps il se débat, et à quel moment intervient la déprédation. Ceci nous a permis de montrer que la déprédation par les cachalots pouvaient avoir lieu lorsque la ligne est posée au fond, en pêche.
Nous avons pu décripter le mode opératoire des cachalots : ils ne cherchent pas à attraper directement le poisson sur la ligne, mais ils glissent leur machoire inférieure (la seule munie de dents) sous la ligne, et soulèvent celle-ci du fond tout en la ratissant avec leurs dents. Ils décrochent ainsi les légines au fur et à mesure de leur progression. A la fin, ils libérent la ligne et vont manger les légines qu’ils viennent de décrocher. Ce faisant ils prennent le risque de s’emmêler dans la ligne, ce qui arrive occasionnellement.
A gauche : schéma et photos de la palangre expérimentale © Gaëtan Richard

Bioacoustique

La palangre expérimentale peut être équipée d’un ou de plusieurs hydrophones pour détecter la présence d’orques et de cachalots à proximité de la ligne, alors que les observations visuelles ne sont pas possibles (la nuit, et lorsque le bateau a quitté la zone, par exemple). Ce dispositif permet aussi de quantifier le temps de présence de ces animaux pendant la pêche, mais aussi d’évaluer leur succès de pêche. En effet, juste avant de capturer une proie au moyen de leur sonar, les orques et les cachalots produisent des buzz (une série de clics très proches les uns des autres) indicateurs d’une capture. On peut alors, par la suite, comparer le nombre de buzz produit en présence, ou en absence, d’une ligne de pêche. Les analyses de ces données nous permettent de comparer le succès de pêche des orques et des cachalots, et ainsi d’évaluer le bénéfice que ces animaux ont à intéragir avec les activités de pêche.
A gauche : Gaëtan Richard, chercheur à l’ENSTA, installe un hydrophone sur une ligne de pêche d’un palangrier © Anaïs Janc

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La signature sonore des navires de pêche

Grâce à aux hydrophones, il est tout à fait possible de distinguer les navires les uns des autres, mais aussi d’identifier l’opération dans laquelle ils sont engagés (se déplacer, filer la ligne ou au contraire, la virer). L’ opération la plus bruyante est celle du « virage », qui se caractérise par de nombreux changements de régime, et inversions de sens de  marche du bateau. Ces changements génèrent des bruits très puissants susceptibles d’être détectés jusqu’à une centaine de kilomètres par les cétacés. Nous supposons donc que les orques sont capables de reconnaître et de localiser l’activité des navires en utilisant leurs bruits, ce qui leur permet de trouver les palangres.
A droite : un groupe d’orques, alerté par le bruit d’un navire se rapproche rapidement. Photo © Paul Tixier

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Mieux encadrer la pêche pour protéger les orques

La collecte d’information à partir des bateaux de pêche a permis d’estimer les tailles de populations des orques et des cachalots de Crozet. Nos études ont montré que ces populations avaient souffert de la pêche illégale entre 1996 et 2003. En effet, durant cette période la population des orques a diminué de plus que de moitié, victime de tirs des bateaux braconniers (il restait 80 individus sur 180 au départ).
Dès le début des années 2000, l’état français a mis en place des patrouilles militaires ainsi qu’une surveillance par satellite des ZEE pour lutter contre la pêche illégale et les dégats environnementaux qu’elle générait.
A gauche : Quand une orque saute hors de l’eau, elle peut être la cible des tirs des braconniers. Photo © Nicolas Gasco

Les populations d’orques toujours en déclin

Depuis l’arrêt du braconnage dans la ZEE, la population d’orque qui interagit avec les pêcheries a un taux de reproduction très élevé. Cependant le taux de survie de ces superprédateurs reste faible. Que se passe-t-il? Pourquoi les orques continuent-elles à mourrir jeune?
Les résultats préliminaires de nos études suggèrent que les orques sont toujours victimes des pêcheries non-autorisées. Nous remarquons que les familles d’orques qui sont connues pour interagir avec les bateaux de pêches à la légine en dehors de la ZEE de Crozet, sont les plus affectées.
Par ailleurs, nos travaux suggèrent que les individus les plus téméraires ont la plus forte probabilité de mourrir. Les orques qui ne connaissent pas les frontières de la ZEE s’exposent toujours aux tirs dans les zones internationales.
A droite : Les orques sont en danger. Curieuses et joueuses, elles s’exposent aux tirs des braconniers. Photo © Paul Tixier