La déprédation

Compétition autour d’un poisson délicieux

La déprédation des lignes correspond au comportement où des prédateurs marins tels que des phoques, cétacés, mais aussi d’autres poissons tels que des requins viennent consommer des poissons pris aux hameçons de la ligne.
Les odontocètes (i.e. les cétacés à dents) constituent le groupe d’espèces le plus fortement impliqué dans le processus de déprédation des palangres pélagiques et démersales. Les orques effectuent 75% de la déprédation, les cachalots 25%.

Les orques et les cachalots ont interagi avec 43,3% et 57,5% des palangres (n = 5 438) respectivement entre 2003 et 2010. Les orques, seuls ou avec les cachalots, ont été responsables d’une perte estimée à 926 ± 76 tonnes de légine australe au cours de cette période, ce qui représente 17,7 % de la capture totale.

La légine australe

La légine (Dissostichus sp.) est la principale espèce ciblée par les palangres de fond déployées dans l’océan austral. Les espèces de cétacés les plus couramment impliquées dans la déprédation de palangres de fond sont les orques et les cachalots.

Le phénomène de déprédation a probablement été favorisé par l’accroissement de la compétition entre les hommes et les cétacés sur des ressources halieutiques. Enfin, il est beaucoup plus facile pour les cétacés de retirer un poisson déjà pris sur une ligne, et qui est dans l’impossibilité de s’échapper, que de le chasser naturellement.

Trop facile!

Dans le cas des palangres démersales profondes tels que celles utilisées pour la légine, le poisson devient beaucoup plus facilement accessible lors de la remontée des lignes. En effet, en situation naturelle, les orques et les cachalots doivent plonger à très grande profondeur >500-1000 m pour accéder à ces poissons. Ces plongées sont coûteuses en énergie et le temps efficace de pêche au fond de la plongée diminue fortement.
Dans le cas des orques, ce temps efficace n’excède pas quelques minutes pour des plongées supérieures à 1000 m (le record de plongée obtenu à ce jour étant 1100 m dans le cas des orques et pourrait atteindre 3000 m dans le cas des cachalots, même si la majorité des plongées sont généralement comprises entre 300 et 1000 m de profondeur).

Un poisson connu des cétacés

A Crozet, le fait que la déprédation des palangres par les orques et cachalots ait été observée dès le début de la pêche à la légine, laisse présumer que ces cétacés se nourrissaient naturellement de légine. En effet, les orques sont connus pour être « très conservateurs » dans leurs habitudes alimentaires et l’adoption d’un nouveau type de proie est un processus lent chez cette espèce.

Cependant, nous pensions à l’époque que les légines vivaient trop profondément pour pouvoir être naturellement pêchées par les orques qui n’étaient pas supposées plonger au-delà de 300-400 m. Depuis, la pose de balises nous a appris que ces animaux étaient en mesure de plonger beaucoup plus profondément et donc accéder naturellement à cette proie. La consommation naturelle de légine était en revanche connue pour les cachalots.