Approches technologiques

Des approches peu concluantes

Effaroucheurs et casiers sont les deux techniques qui ont été testées par les pêcheurs depuis une dizaine d’années. Avec le recul et les analyses scientifiques, il est avéré qu’elles ne peuvent pas lutter efficacement contre la déprédation.

Les effaroucheurs acoustiques

Les effaroucheurs acoustiques, tels que l’Orcasaver, visent à effrayer les mammifères marins susceptibles d’interagir avec un outil de pêche (ou un enclos à poissons) en produisant des sons variés, et variables, de haute puissance, généralement supérieur à 190 db (afin d’éviter un phénomène d’habituation par les mammifères marins). Ces systèmes pourraient être efficaces vis-à-vis de mammifères marins n’ayant pas l’habitude d’interagir avec des outils de pêche. En effet, en créant une zone d’inconfort acoustique, ils poussent les animaux à quitter la zone d’inconfort, évitant la déprédation.
Néanmoins, nos travaux ont clairement établi que chez des orques habituées à interagir avec les lignes de pêche, un phénomène rapide d’habituation se met en place. Le dispositif  n’avait rapidement plus d’effet sur les animaux, qui s’exposent alors à des intensités acoustiques extrêmement fortes susceptibles d’endommager leur système auditif. Par ailleurs, des unités sociales d’orques qui n’ont jamais été exposées à l’Orcasaver mais qui accompagne des unités qui l’ont été, ne vont pas réagir à l’activation du dispositif.

Lire l’article scientifique

Le Pinger : un outil pas toujours utilisé à bon escient

Les « pingers » acoustiques ou alerteurs acoustiques, n’ont pas la même vocation que les répulsifs acoustiques. Ils ne visent pas à effrayer les animaux à proprement parler, mais à surprendre et mettre en éveil les mammifères marins, en particulier les petit cétacés, afin qu’ils activent leur système d’écholocalisation pour sonder la zone dans laquelle ils se trouvent, et détecter la présence d’un éventuel filet. En effet, le système d’écholocalisation des cétacés à dent (odontocètes)  est activé uniquement lors des comportements de recherche alimentaire. Il est généralement inactif lorsque ces cétacés se déplacent, ou se reposent, limitant ainsi leur capacité à détecter la présence d’un filet. Les alerteurs acoustiques provoquent la vigilance des animaux, qui activent leur système d’écholocalisation. Ceci augmente leur chance de détection des filets maillants, dont les mailles de nylons sont très peu visibles, en particulier la nuit ou à grande profondeur.
Une étude montre même que les pingers positionnés sur des filets dans l’espoir d’éloigner des grands dauphins connus pour interagir avec ces filets, avaient l’effet inverse et facilitaient la localisation des filets par les dauphins, favorisant la déprédation et les captures accidentelles.

Rapport Déprédation

Les casiers

Initié en 2007, le projet ORCASAV, Pêche aux casiers pour lutter contre la déprédation par les orques et la mortalité aviaire, visait à tester l’efficacité d’une dizaine de prototypes de nasses à poissons pour capturer la légine australe en remplacement des palangres sur la zone de Crozet. En effet, avec ces casiers, ni les appâts, ni les captures ne sont accessibles aux mammifères marins et aux oiseaux. Cette nouvelle technique de pêche devait permettre de préserver l’environnement naturel, et de limiter l’impact de la pêche sur la ressource et les espèces associées.
Après une campagne d’expérimentation en 2010, il s’est avéré que la pêche avec des casiers n’était pas rentable pour les armements. En effet le rendement par casier était trop faible pour atteindre le seuil de rentabilité économique. Ces résultats ont été consolidés par une nouvelle campagne expérimentale réalisée par les australiens sur la zone de Heard en 2012. Cette technique n’a pas été retenue pour lutter contre la déprédation.

Rapport ORCASAV

Le Sago

Ce système, conçu par des norvégiens, vise à protéger le poisson pendant les opérations de remontée de lignes en collectant les légines sur le fond. Pour cela la ligne passe au travers d’un collecteur, le sago. Le poisson est alors décroché et stocké dans le système qui est remonté quand il est plein.
L’idée est séduisante mais part du principe que la déprédation n’a lieu que pendant les opérations de virage (remontée de la ligne). Mais nos travaux ont révélé que la déprédation a aussi lieu lorsque les palangres sont posées au fond jusqu’à 1800 mètres de profondeur. En effet, nos études montrent que les cachalots sont capables d’interagir avec les lignes en pêche jusqu’à 1800 mètres de profondeur et les orques, probablement, jusqu’à 1000 mètres.
Ces résultats posent la question de l’efficacité que pourrait avoir le sago dans lutte contre la déprédation.

Rapport Rhys et ArangioArticle scientifique Déprédation sur lignes en pêche

Protection des poissons

Suite à nos travaux révélant que la déprédation peut aussi avoir lieu sur les palangres posées au fond, nous avons développé et testé des dispositifs visant à protéger individuellement la légine dès le moment où elle est prise sur un hameçon. Les résultats préliminaires du test des dispositifs de protection déployés se sont révélés peu concluants, suggérant que les légines ne pénètrent pas à l’intérieur des dispositifs pour mordre à l’hameçon. Comme les légines avaient le choix entre des hameçons protégés et non protégés se trouvant à proximité les uns des autres, il est difficile de conclure quant au fait que l’absence de capture serait dûe à un choix préférentiel. Cependant, le volume de ces dispositifs nécessiterait de repenser les systèmes de mise à l’eau des palangres sur les navires afin de pouvoir protéger le plus d’hameçons possible. Ceci a révélé la complexité de tester et d’implémenter des approches technologiques sur des systèmes de pêche déjà optimisés.

A gauche : Photos d’un dispositif de protection des poissons, (a. et b.), ainsi que de sa mise à l’eau (c. et d.) et sa récupération lors d’une expérimentation avec les pêcheurs à bord d’un palangrier.Photos © Gaëtan Richard